• 01.01.2023

Le téléphérique, la plus belle invention pour tutoyer les sommets ?

Moyen de transport collectif par excellence pour parcourir les pentes des montagnes, le téléphérique va et vient dans les airs pour le plus grand bonheur de ses passagers. Beauté du paysage, pour peu que l’on soit proche d’une vitre, rapidité, silence relatif, le téléphérique est-il la plus belle invention des temps modernes pour tutoyer les sommets ?

A La Montagne Enchantée, on pense qu’effectivement c’est une chance pour des milliers de personnes de pouvoir parcourir aussi facilement des dénivelés. Faut-il pour autant occulter les arguments en sa défaveur ? Non. Alors à défaut de prendre position entre les pours et les contres, prenons de la hauteur ou plutôt du recul et retraçons un petit historique des téléphériques à va-et-vient à vocation touristique, historique ou sportive.

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Les débuts



Les premiers téléphériques de montagne sont construits pour le transport de matériaux. On dénombre cependant quelques installations spécifiquement adaptées avec des bennes spéciales destinées à accueillir des voyageurs comme le téléphérique Chilkoot au Canada en 1898 ou encore le transporteur aérien de Chilecito à La Mejicana, construit entre 1903 et 1905, avec quelques cabines pour voyageurs fermées avec banquettes et compartiment bagages. Aucune sécurité particulière n'était cependant mise en œuvre.



C’est le 12 août 1907 que fut inauguré dans le Colorado, aux Etats-Unis, le premier téléphérique de montagne au monde uniquement dédié au transport de passagers. L'équipement était un système bicâble (1 porteur et 1 tracteur) avec 36 véhicules de quatre places à attaches fixes. La ligne, longue de 2,4 km parcourait 1000 mètres de dénivelé et aboutissait à 3 650 d'altitude. Elle était soutenue par 50 portiques en bois et disposait de trois stations de tension intermédiaires. Les gares étaient reliées par le téléphone. Ce téléphérique fonctionna jusqu'en 1914.



En Europe, il faut attendre le 29 juin 1908 avec l’installation du téléphérique du Colle à Bolzano en Italie. Cet équipement était composé de deux cabines de quatre places et ne disposait pas de sécurité spécifique pour le transport de personnes. Il fut reconstruit en 1912 et 1913 pour répondre aux normes de sécurité.



Les pionniers



L'un des pionniers les plus célèbres en matière de transport de passagers par câble en montagne fut l'ingénieur allemand Wilhelm Feldmann. Il conceptualisa « l’ascenseur de montagne ». Son invention consistait à faire circuler deux cabines suspendues à des câbles tendus entre deux points terminaux sur une ligne aérienne à très forte pente offrant jusqu'à 500 mètres de longueur.

En 1903, Feldmann obtint une concession en Suisse pour équiper les pentes du Wetterhorn, près de Grindelwald. La première section de cette ligne (et la seule qui ne fut jamais réalisée sur ce sommet) aboutissant à un nid d'aigle à 1 618 mètres fut mise en service le 27 juillet 1908. Deux cabines d'une capacité de 16 places évoluaient en va-et-vient sur une ligne disposant d'une pente moyenne de 116 % ; un record d'inclinaison qui ne fut battu que par le deuxième et dernier ascenseur de montagne construit au monde : celui du Sant Jeroni à Montserrat en Espagne, inauguré en 1929. L'ascenseur suisse du Wetterhorn de Wilhelm Feldmann est habituellement considéré comme le premier véritable téléphérique pour voyageurs de montagne (avec toutes les sécurités nécessaires au transport des passagers), bien qu'il fût mis en service après le téléphérique du Sunrise Peak et celui du Colle (Kohlern), considérés comme des adaptations de transporteurs de matériaux.

Wilhelm Feldmann s'associa à l'ingénieur Emil Strub et à l'investisseur Rodolphe de Salis pour développer son concept d'ascenseur de montagne sur les plus prestigieux sommets d'Europe, à commencer par l'aiguille du Midi, au cœur du massif du Mont-Blanc. À sa situation offrant un panorama incomparable, s'ajoutait la proximité de la vallée Blanche, au relief doux, où ils avaient déjà imaginé une station de sports d'hiver « toutes saisons ».



La première pierre de la future ligne du « funiculaire aérien » de l’aiguille du Midi à Chamonix fut posée en novembre 1909. En raison des conditions difficiles et de la Première Guerre mondiale, il fallut finalement attendre 1924 et l'organisation des premiers Jeux olympiques d'hiver pour qu'une première section soit mise en service. Pour autant, l'équipement reste le premier téléphérique pour voyageurs de France.



Sur le continent sud-américain, le constructeur allemand Julius Pohlig livrait en 1912 à Rio de Janeiro le téléphérique du Morro da Urca, premier tronçon de l'emblématique ligne conduisant au Pain de Sucre. La section sommitale fut inaugurée quant à elle le 18 janvier 1913. Elle était remarquable par sa hauteur de survol de près de 150 mètres et, surtout, sa portée unique de 750 mètres : le record de l’époque. Il livrait en outre un appareil techniquement très moderne ! La disposition à deux câbles porteurs parallèles, configuration encore usuellement utilisée de nos jours, assurait, une stabilité renforcée. Le téléphérique était équipé de deux câbles tracteurs. En exploitation normale, seul un câble était utilisé, l'autre servant de câble tracteur de secours. Les cabines étaient à plancher plat et à suspente haute, disposition désormais classique. Un astucieux « bec de lièvre » sommital était destiné à prévenir de toute chute lors d’un déraillement éventuel. Le tronçon du Pain de Sucre inaugurait en outre une configuration avant-gardiste avec une motorisation placée à la station aval. La modernité de ces appareils leur permettra de rester en activité jusqu’en 1972.



Lors de la Première Guerre mondiale, le développement du téléphérique civil fut mis entre parenthèses mais la technique s'implanta à grande échelle dans les montagnes d'Europe pour les besoins militaires. On compta plus de 2 500 installations à câble utilisées pour le ravitaillement ou le transport des soldats, notamment les blessés.

Après la guerre, un téléphérique marqua la décennie 1920 – 1930, celui de la Zugspitze dans le Tyrol, en Autriche. Il cumulait alors tous les records mondiaux des téléphériques à va-et-vient pour voyageurs : plus longue ligne (3 360 m), plus grande dénivellation (1 580 m), plus longue portée (1 123 m) et plus haute gare amont.



Un des grands pionniers en matière de téléphérique reste l'ingénieur français André Rebuffel, inventeur de la double boucle et concepteur d’audacieux et majestueux téléphériques aux lignes aériennes sans pylône et avec des survols importants. L'ingénieur fut à l'origine des grands appareils de belvédères français des années 1930. On lui doit les téléphériques de Planpraz et du Brévent à Chamonix (1930), du Salève (1932), de Veyrier-du-Lac près d'Annecy (1934), du Béout à Lourdes (1934) et également du Revard au-dessus d'Aix-les-Bains (1935). Ces équipements recevaient généralement des gares en béton aux architectures triomphantes avant-gardistes, qui imposaient l'appareil dans l'espace et créaient une certaine mise en scène du voyage. Un des exemples parmi les plus démonstratifs reste la gare amont du Salève, dessinée par l'architecte suisse Maurice Braillard dans un style moderniste et qui est aujourd'hui reconnue comme un patrimoine du Genevois.



Après la Seconde Guerre mondiale, l'entreprenant polytechnicien italien Dino Lora Totino permit la concrétisation de l'audacieuse liaison par câble entre la France et l'Italie par le massif du Mont-Blanc. Il avait déjà livré dans les années 1940 les téléphériques à va-et-vient du Refuge Torino sur les hauteurs de Courmayeur, avec une seconde section de 2 440 mètres, sans aucun pylône, aboutissant à 3 335 mètres d'altitude. Du côté français, il fut le promoteur du prestigieux téléphérique de l'Aiguille du Midi, avec un second tronçon, ouvert en 1955, d'une portée unique de 2 869 mètres aboutissant à 3 791 mètres d'altitude.



Au service du ski



Aptes à gravir les reliefs, les téléphériques ont largement participé à l'émergence du ski alpin. Ainsi dès 1927 en Suisse centrale, le téléphérique d’Engelberg est considéré comme le premier téléphérique moderne pour voyageurs du pays et le premier au monde bénéficiant d'une exploitation hivernale soutenue pour le transport de skieurs dès sa mise en service.

En France, le téléphérique de Rochebrune fut spécifiquement conçu en 1933 pour desservir des champs de ski d'altitude dominant Megève, tandis que les téléphériques chamoniards ouvraient désormais l'hiver aux skieurs grâce à l'aménagement sommaire d'un premier réseau de pistes. S’en suivirent Saint-Gervais en 1937, Serre-Chevallier en 1938, Val d’Isère en 1939.

Aux Etats-Unis, le premier téléphérique moderne pour skieurs s’élança en 1938 à Cannon Mountain dans les Montagnes Blanches du New Hampshire.

Aujourd'hui, on dénombre environ 300 téléphériques à va-et-vient dans le monde et il faut bien l'avouer : ils rencontrent un succès à la hauteur de leur prouesse.



> Découvrez les téléphériques de La Montagne Enchantée pour initier les enfants à ce moyen de transport qui enchante petits et grands

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